À quoi peut bien servir
cette forme abondante du silence
À qui ? Quelque chose s’est déchiré
devant la fenêtre, lettre
oiseau, muscle, cœur, nécessité
c’est difficile à dire
Ce soir, on ne s’y retrouve plus
toute vigilance en fuite
le mensonge improvise
Tant de curiosités humaines
déferlent, roulent sous nos yeux
remplissent les rues et les nuits
ici et là les encombrent, les crevassent
D’une ombre à l’autre
novembre se ramifie
De petites nostalgies s’y attardent
On dirait des os et des ailes
venus d’ailleurs, soudain
pris de paresse ou de vertige
émouvants jusque dans la mobilité
de leur blessure, là où ça cogne, crie
s’étrangle, là où d’habitude
l’espoir se délabre vite
des os et des ailes surpris
en plein vol par un sursaut du désir
malgré cette rouille
chatoyante sur fond de ruines
des os et des ailes qui surplombent
un ciel clos, un ciel glacial
Nos mains gagnées par l’inquiétude
tâtonnent parmi les ténèbres
en milliers de gestes
les approfondissent. Insoumises
en novembre, nos mains
quand elles progressent ainsi
vers des restes d’enfance
racines et musiques profondes, en alerte
dans un ciel qui claque
Mais torrents, écorchures, arrachements
remords se soulèvent, bientôt
foncent vers les sons, les traversent
au fil d’une pensée. L’énigme
bouge, immense sous nos yeux
et on la suit, l’encercle, l’étreint
l’énigme enfin retrouvée derrière
de rudes mémoires, ses douleurs
allégées par la démesure
de nos bras et cette âpre
intention de bonheur
qui vient on ne sait d’où
Denise Desautels (Montreal, Canadá, 1945). Poeta. Miembro de la Academia de las Letras de Quebec.